Abel, livreur à vélo pour l’appli Enjoy!, Igor, jeune avocat, Yass, stagiaire dans une chaîne info prête à tout pour le scoop : trois destins qui, sans vraiment le vouloir, vont se téléscoper sous le rouleau compresseur d’une société dont le tout, tout de suite, est le moteur principal.
D'après le roman de "Tous complices !" de Benoît Marchisio.
Six épisodes de 40 minutes qui dressent avec un réalisme effrayant les dérives sociétales liées à certains services, certaines habitudes qui font désormais partie de notre quotidien, voici les prémices d’Enjoy ! une série à voir sur france.tv. Abel travaille pour une application de livraison de repas à domicile. Aucun facteur humain, mais un algorithme qui suit ses courses effectuées à vélo, lui offre des bonus financiers quand il travaille plus et le pénalise quand il prend trop de temps, même quand il se fait renverser par une voiture. Igor Capelli est un avocat au verbe haut qui abhorre l’ubérisation de la société et souhaite pallier la précarité des livreurs comme Abel en apparaissant dans une émission d’infos en continu qui contrôle en temps réel son audience et redirige les sujets quand ils sont peu populaires. Yasmine est stagiaire pour ce programme et n’hésite pas à jouer des coudes, quitte à défier les codes de la déontologie journalistique, afin d’obtenir le CDI promis par son chef. Son objectif ? « Changer les choses de l’intérieur ». Une galerie de personnages qui se bat pour lutter contre un système tentaculaire et vicieux, mais ô combien efficace.
Qui n’a jamais commandé un repas via une plateforme ? Qui ne s’est jamais laissé happer par un cycle d’infos en continu ? Des habitudes tellement ancrées dans notre quotidien que l’on ne réfléchit pas réellement aux mécanismes en coulisses. Et c’est justement ce qu’épingle Enjoy !, fiction disponible sur france.tv, tirée du nom de l’application de livraison de repas pour laquelle « travaille » le héros, Abel. Travaille entre guillemets puisque Enjoy ! est en réalité une application, une plateforme numérique qui fonctionne via un algorithme. Tout le monde peut postuler, mais personne n’est vraiment salarié. Certains s’en accommodent – en particulier ceux qui n’ont pas de papiers d’identité – d’autres n’ont pas le choix pour joindre les deux bouts. Le personnage joué par Jean-Désiré Augnet, récompensé pour sa prestation dans la série au Festival de la Fiction 2024 de La Rochelle, est dans ce dernier cas. Brillant étudiant, il aide sa mère, précaire, elle aussi, à payer un loyer qui ne cesse d’augmenter parce que le propriétaire réalise que louer ses appartements à la semaine lui rapporte beaucoup plus. Toute ressemblance avec une situation immobilière liée aux Jeux olympiques de Paris serait évidemment totalement voulue.
Mais alors qu’Enjoy ! aurait pu être une critique monolithique de ces nouveaux modèles économiques, la série propose à chaque fois un contrepoint particulièrement malin. Ainsi, lorsque Igor Capelli (Baptiste Carion-Weiss) un avocat idéaliste, qui lutte de tout son être contre un système qui perd en humanité, propose aux livreurs de l'appli d’organiser une action collective pour dénoncer leurs conditions de travail, il se heurte à un mur fait de guerres internes opposant les livreurs à vélo et ceux en scooter. Ce même Igor qui exècre les chaînes d’info en continu est persuadé de pouvoir changer la ligne éditoriale de Contre-Attaque, l’émission phare de H24 présenté par Paul Parsène (joué par Bruno Salomone) avec l’aide de Yass (Camille Moutawakil). Pourtant, là encore, leurs efforts vont rester vains, une recette gagnante – et financièrement lucrative – ne se change pas. Enjoy ! dénonce mais ne pointe pas un seul coupable, le système étant noyé sous d’épaisses nuances bien trop lourdes pour être réellement remuées.
Commentaires (6)
… Assez attrayante à suivre,enjoy! a des atouts:Déjà,95% des acteurs sont bons,convaincants.Les dialogues sont performants aussi,le rythme est sûr.L'invisibilité et le manque de respect vis-à-vis des livreurs est énervant;des gens leur ouvrent la porte,pas d'politesse,s'en foutant complètement.Par contre,2 points m'ont déplu: -Premièrement:dans les comédiens,ben les 5% restants ce sont tous ceux présents sur le plateau de télévision (excepté l'avocat,et quand les caméras de l'émission ne tournent pas,leur jeu est largement mieux).Je pense que la direction d'acteurs,là,a foiré son coup:on dirait que les gens cherchent à imiter quelqu'un,du coup,ben ça sonne faux,pas naturel,et je pense que effectivement,Bruno Salomone,comme le fait remarquer @scheinen,il donne l'impression de vouloir ressembler,ou au moins à laisser penser à Pascal Praud;il prend un débit de voix,un accent mondain parisien qui est mauvais au rendu.C'n'est que mon avis. -Deuxièmement:je trouve que la narration des histoires se monte les unes sur les autres au lieu de s'emboîter;elles ont du mal à se renvoyer la balle,c'est un peu maladroit.Et puis certaines situations sont écrites d'une façon trop rapide,trop expéditive. Mais sinon,la série est plaisante à suivre,surtout pour les échanges verbaux et les interprètes.(3,25/5)
Le plateau de CNEWS, Oh pardon, de H24 est très bien retranscrit. Pascal Praud, Ah décidemment je me fourvoie. Bruno Salomon est terrible dans ce rôle de présentateur cynique. Ne lui manque que la main droite sur sa poitrine lorsqu'il est offusqué.
Je rejoins le commentaire précédent, un peu chargé, mais ça a le mérite de montrer la réalité de notre société… a part ça pourquoi les épisodes n’apparaissent pas séparément ??? Et pourquoi cette série n’apparaît pas dans la liste des visualisées???
Ubérisation, racisme ordinaire, cynisme des médias,... à la limite de la caricature mais plutôt intéressant.