Diplômé de l’Académie Hollandaise de Cinéma et de Télévision (1982), Frank Scheffer est un réalisateur et producteur de documentaires qui a consacré une partie importante de ses films aux musiques contemporaines et actuelles. Son œuvre se distingue tant par sa recherche formelle que par son amplitude, offrant un vaste panorama de la musique du 20ème siècle et de ses grandes figures : Karlheinz Stockhausen, John Cage, Elliott Carter, Steve Reich, Philip Glass, Pierre Boulez, mais aussi Frank Zappa et d’autres.
Dès son premier film, Zoetrope People (1980), une rencontre avec Francis Ford Coppola, il s’intéresse aux relations entre sons, images et musiques. Il explore ensuite ces croisements selon différentes modalités, réalisant notamment le clip A Day pour le groupe XYMOX (1985). Avec Marina Abramovic, qui le présente à John Cage, il s’attelle à un portrait du Dalaï Lama (1983) puis amorce une série de travaux qui se déclinent autour du film expérimental, de l’installation, et de la musique.
Si l’originalité de l’œuvre de Scheffer repose sur son tropisme musical, elle se caractérise aussi par la nature des relations qu’il a pu entretenir avec les musiciens avec lesquels il a travaillé : ses films ne sont pas seulement des portraits. Ils relèvent davantage de la relation et de l’échange et s’inscrivent dans la longue durée, formant des sortes d’ethnographies individuelles à travers le temps.
Frank Scheffer a ainsi travaillé pendant une dizaine d’années avec John Cage, réalisant avec lui des films rassemblés sous le titre How to Get out of the Cage : A Year With John Cage (2012). Avec Elliott Carter, ce sont vingt-cinq ans de relations filmiques et musicales qui culminent dans Labyrinth of Time en 2005. En 1996, il s’embarque avec Karlheinz Stockhausen dans les coulisses de son Quatuor à cordes pour hélicoptère et en tire un film d’une heure et demie, ode documentaire à la démesure du génie créateur de l’homme.
Avec Conducting Malher (1996), il plonge le spectateur dans l’univers d’un festival de musique qui rassemble les chefs d’orchestres les plus importants de notre époque autour de l’œuvre de Malher.
Scheffer poursuit actuellement son exploration des mutations de la musique en s’intéressant aux effets de la mondialisation sur la musique savante. En ont résulté un film sur l’orchestre symphonique de Téhéran (2009), un portrait du compositeur iranien Nader Mashayekhi (2011), ainsi qu’un documentaire sur l’opéra que le compositeur chinois Tan Dun a consacré au thé (2005).
La filmographie de Frank Scheffer repose sur des cycles de rencontres dont l’une des principales motivations est de toucher au mystère de la musique et de l’image. On décèle dans son geste une volonté de s’appuyer sur la musique pour dépasser le monde des apparences et toucher celui de la culture et de la pensée. (Michel Tabet)