Si vous n’aviez pas été convaincu par The Morning Show, que See ne vous a pas emballé ou que vous avez trouvé le temps long devant For All Mankind (alors que c’est très bien), alors Servant pourra peut-être vous faire changer d’avis. C’est l’une des propositions les plus intéressantes d’Apple TV+. La série est produite et en partie réalisée par M. Night Shyamalan, qui ne s’est pas défilé après l’échec de Wayward Pines et se lance ici dans son deuxième projet pour le petit écran.
On pourrait vous livrer une critique de la série sur la base de sa prémisse, mais même là cela serait déjà trop en dire. Servant c’est donc l’histoire d’un couple, joué par Lauren Ambrose (Claire de Six Feet Under) et Toby Kebbel (Black Mirror), qui élève leur bébé Jericho dans une maison des beaux quartiers de New York. Ils décident de faire appel à une nourrice, joué par Nell Tiger Free (Myrcella Baratheon dans Game of Thrones). Et… c’est tout. Enfin non, mais nous ne voulons vraiment pas vous gâcher la surprise de la vision du pilote.
La série se déroule intégralement dans cette maison moderne et luxueuse. Les seules ouvertures sur le monde extérieur se font dans la rue ou bien via des écrans, les personnages n’arrêtant pas de s’appeler en facetime (on est bien sur Apple TV+). La réalisation est servie par le style ciselé de Shyamalan et des autres metteurs en scène : les cadres sont millimétrés, servis par des mouvements de caméra extrêmement précis et sans fioritures, dont la vitesse peut brusquement changer pour distiller une atmosphère inquiétante dans les scènes les plus banales. Les fans de David Fincher y trouveront leur compte.
Comme d’habitude chez Shyamalan, tous les détails ont leur importance et permettent de décoder un puzzle global. La série est pleine de motifs, des éléments qui n’arrêtent pas de surgir dans le récit pour renforcer le thème principal. Donc si vous adorez analyser les signes et symboles d’une oeuvre, vous serez servi. Mais il y a un danger dans cette approche. Nous allons paraphraser le vidéaste Karim Debbache qui dans son analyse de Signes (toujours de Shyamalan) mettait en garde contre ce refus de superflu : « Tout ce qu’on voit a du sens, mais c’est un parti pris radical qui peut faire du film une oeuvre froide, puisque souvent avec le superflu, on se débarrasse aussi de la spontanéité. »
Est-ce que Servant est une oeuvre froide donc ? Un simple jeu de piste qui flirte avec le surnaturel ? À la vision de ces 10 épisodes, on ne peut pas être aussi catégorie. Car oui, on ne peut pas dire que la série est chaleureuse : son récit traite de thématiques extrêmement dures liées au deuil et au traumatisme qu’il peut engendrer. Il est difficile de s’identifier aux personnages, tant leurs réactions sont différentes face aux évènements franchement inexplicables auxquels ils assistent.
La saison est très dense, malgré des épisodes de « seulement » 30 minutes. On assiste donc à une longue montée en tension qui nous fera poser la question : tout ça est-il bien réel ? L’angoisse est palpable, l’histoire devient de plus en plus inquiétante sans recours à aucun jump scare. Et même si on peut reprocher à la série son côté cryptique à outrance, on peut avoir envie de la revisiter pour se repérer dans ce huit clos labyrinthique mais frustrant. Cela dépendra de la sensibilité de chacun bien sûr, mais Servant vous fera traverser tout un panel d’émotions en plus d’être très agréable à regarder. On ne peut désormais qu’attendre la saison 2 qui a déjà été commandée par Apple.
Servant est disponible sur le service Apple TV+.
N’hésitez pas à nous dire en commentaire ce que vous avez pensé de cette première saison !