Le meurtre du petit Grégory, retrouvé noyé dans la Vologne en 1984, meurtre sans coupable identifié, hante les esprits et les rédactions depuis plus de trente ans. J’ai des souvenirs d’enfant très précis de cette histoire qui me terrorisait et j’ai grandi avec les visages de Jean-Marie et Christine Villemin, durant des années, les unes à sensation des journaux, les révélations sur le corbeau et les suppositions sur le nom de l’assassin. J’ai regardé le documentaire en cinq parties proposé sur Netflix : ai-je appris des choses ? Est-ce un apport essentiel au dossier ? Que ressent-on en terminant la série ? Analyse.
La forme : Des images superbes, gros travail sur le son et une musique originale signée Yuksek. La vision du réalisateur Gilles Marchand qui rend un hommage appuyé à David Lynch est maitrisée du premier au dernier plan. Rien à redire, on se croit dans un documentaire US sur un crime commis en Georgie. Les plans aériens sont superbes, les choix de mise en scène pour les interviews parfois spectaculaires dans leur sobriété. Les reconstitutions avec les corbeaux dans les décors (je n’ose croire qu’ils sont allés filmer dans la « vraie » maison…) donnent des frissons. C’est une grande claque visuelle.
Le fond : Pour la première fois depuis le début de l’affaire, Jean Ker, le controversé journaliste de Paris Match, véritable moteur du documentaire, révèle ses enregistrements privés des protagonistes. Glaçants, voire éprouvants, ils constituent des pièces capitales au dossier et nous permettent de comprendre comme rarement ce qui s’est dit dans le secret des salons de Lépanges-sur-Vologne. L’affaire est haletante, limpide, évidente alors qu’aucune voix off ne vient perturber le récit, un véritable tour de force narratif. On comprend tout, on visualise tout, on imagine le pire : le spectateur tisse des liens et se forge lentement sa propre opinion. Brillant.
Les révélations : difficile de parler de « vraies » révélations pour ceux qui suivent plus ou moins le dossier de loin mais plutôt d’un travail minutieux de remise en perspective. Les grands volets de l’affaire deviennent des chapitres, les différents acteurs du drame ont tous une part d’ombre qui est explorée. Certaines pistes, notamment sur la fin sont hélas survolées (le frère de Jean-Marie, ses propres parents) et les derniers rebondissements de l’affaire sont à peine évoqués. Révélations ou pas, la série reste passionnante de bout en bout. On se surprend à rester sur sa faim et à vouloir un sixième et dernier épisode, sur le ou les assassins. Une fin qui arrivera peut-être un jour…Ou pas.
L’avis et la note : 5 étoiles. Que vous aimiez ou pas les séries documentaires, les faits divers, ce travail de Gilles Marchand reste dans la ligne droite de son oeuvre impeccable (il scénarise les films de Dominik Moll, entre autres) et constitue un apport majeur au catalogue Netflix. L’image du sourire à jamais figé de Grégory imprime nos rétines, une colère sourde jaillit souvent face à l’écran (les propos sexistes du commissaire Jacques Corazzi m’ont fait bondir plus d’une fois). C’est au final une impression d’immense gâchis devant ce drame et cette famille broyée qui m’a rendu triste, après le visionnage de ces cinq courtes heures. Magistral.