Présentée en avant-première mondiale au festival de télévision de Monte-Carlo, Fence nous provient directement du Japon où la série a été diffusée en avril dernier et se retrouve en compétition officielle pour la 62e édition du festival. Il s’agit là d’un thème délicat, une femme a reporté un viol d’un soldat américain sur une base militaire localisée à Okinawa, la petite île du Japon où il y a encore des bases américaines. Seulement voilà, la jeune femme est métisse, avec un père Noir et une mère japonaise. Mais la police trouve des contradictions dans son témoignage et n’enquête pas vraiment comme il faut, tandis qu’une journaliste de Tokyo se trouve assignée au dossier car elle veut une augmentation et en a marre de la rubrique « des bars de Tokyo ».
On a pu rencontrer la scénariste Akiko Nogi et l’une des actrices principales Ariana Miyamoto qui nous ont parlé de l’importance de la série tant pour les femmes que pour les personnes métisses. Cette histoire, Akiko Nogi ne l’avait pas forcément en elle, mais ce sont deux personnes, l’une originaire d’Okinawa et l’autre journaliste d’investigation à Okinawa qui sont producteurs de la série qui le lui a présenté. Fence, c’est non seulement l’histoire d’une agression sexuelle, mais c’est aussi pointer du doigt l’impunité des Américains sur le territoire japonais, et des conséquences sur les locaux, avec une forte concentration de métisses dans la zone.
Pour Ariana Miyamoto, il s’agit de sa première expérience en tant qu’actrice. Mannequin élue miss Japon (une première pour le pays du soleil levant d’avoir une miss métisse), puis miss Univers en 2015, son rêve était de devenir actrice mais les personnages métisses sont extrêmement rares au Japon. Pour cause, « l’actrice métisse » habituelle était occupée pour les dates de tournage de Fence, et c’est l’une des raisons qui ont joué en la faveur d’Ariana pour qu’elle décroche le rôle de Sakura Omine. Ça et le fait que l’autre héroïne de la série, le personnage de Kie, la journaliste qui prétend être hôtesse, interprétée par Mayu Matsuoka (Makanai, dans la cuisine des maiko) est une actrice très connue avec qui on pouvait accoler une actrice moins connue. Mais cela a fait sens tout de suite pour l’actrice en herbe puisque tout comme son personnage, elle a été élevée par sa grand-mère et a subi une discrimination de par sa couleur de peau. Pour ce rôle, elle a appris à maîtriser l’accent d’Okinawa et son dialecte, très spécifique. Malgré ses nombreuses réussites dans la vie, la discrimination et le racisme au Japon demeurent toujours très forts, et même après avoir remporté le titre de Miss Univers, les gens continuent à la critiquer ouvertement en disant qu’une personne comme elle ne devrait pas représenter le Japon. Heureusement, les temps évoluent, et notamment avec la popularité de Naomi Osaka par exemple, les Japonais commencent à changer de vision.
Fence dépeint une région d’Okinawa tiraillée entre les traditions notamment avec les Américains intouchables, et le sens de la justice que ses habitants méritent. La scénariste reconnait que si la série a reçu des bons retours de la part des jeunes femmes qui louaient la thématique et l’ouverture d’esprit, les hommes d’un certain âge n’y ont vu aucun intérêt. Sauf à Okinawa, où tous les autochtones ont été ravis de voir leur préfecture sous un nouvel œil à faire découvrir au reste du pays, et du monde.
En tout cas, les divers sujets sociaux de la série sont nécessaires et l’existence même de Fence participe à l’évolution du paysage télévisuel japonais qui pourrait s’exporter à l’étranger. Reste que le jeu japonais est très typique et parfois un peu éloigné de l’acting occidental, mais il s’agit en tout cas d’une porte d’entrée pour les plus curieux. La série n’a pas encore de diffuseur français.