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La fin du binge watching ?

Au bonheur des insomniaques

Et si c’était la fin du binge-watching ? Après nous avoir habitué à dévorer des saisons en un seul week-end, sur notre canapé à mémoire de forme, voilà que Netflix semble désormais machine arrière et propose déjà un rythme plus classique d’un épisode par semaine, pour ses émissions de télé-réalité. Avant de revenir à un format de diffusion à l’ancienne, cet hiver ? Disney + le dit haut et fort : chez nous, ce sera à la semaine, nous privilégions la qualité à la quantité ! Mais pourquoi feraient-ils ça ? Explications…

1 – Même si 6 jeunes sur dix regardent au moins trois épisodes de série d’affilée, la pratique du binge-watching n’est pas non plus devenue la norme pour tous, car notre temps de cerveau disponible est déjà bien émietté entre les réseaux sociaux, les médias en ligne, YouTube et…notre vie réelle, familiale, amoureuse, professionnelle. Il faut bien arbitrer, à un moment donné, tout le monde n’a pas la possibilité ou l’envie de passer dix heures devant un écran, surtout quand il fait beau dehors. Bon, en hiver, sous une bonne couette, ça se discute !

2 – Economiquement, ça n’a pas de sens de tout distribuer d’un coup avant d’attendre quelques jours (ou semaines) pour proposer une autre série. Le but, en diffusant un épisode par semaine, est de fidéliser les spectateurs pour au moins trois mois, donc de les faire payer 3 mois consécutifs. Un des plus grands avantages de Netflix résidant dans cette hyper facilité à résilier l’abonnement et à le réactiver à la demande, il semble logique de les voir revenir à un système plus rémunérateur pour eux, surtout dans un contexte de concurrence accrue. Fin 2019, on consomme énormément de Netflix, un peu d’Amazon et de la VOD comme sur OCS ou Canal, pour ceux qui sont abonnés. Dans un an, fin 2020, l’arrivée de Disney + cet hiver aura bousculé les habitudes. Le paysage va changer drastiquement. Il s’agira de séduire ET de fidéliser durablement. Rien à voir avec l’orgie d’épisodes aussitôt avalés, aussitôt oubliés.

3 – Tout passe, tout lasse. Si Netflix a révolutionné les habitudes des spectateurs il y a quelques années, nous nous sommes désormais habitués à son gros catalogue et à ses sorties régulières. Après quatre ou cinq ans à binge-watcher, nous avons compris (avec tristesse parfois) que nous ne pourrons jamais voir TOUTES les séries, que cet âge d’or impose des choix et que certaines séries resteront à jamais sur l’étagère virtuelle où elles résident. Oui, le streaming a changé notre manière de consommer. Les artistes dans le monde de la musique se plaignent que la valeur symbolique des albums est désormais proche de zéro, pour des auditeurs qui ont l’habitude de streamer à 9,99 euros par mois. Les sorties s’enchaînent, les supports physiques disparaissent : on ne respecte plus l’objet comme on le respectait avant. Netflix et les autres tentent un peu de sauver l’image et la valeur virtuelle de leurs séries : en ralentissant l’offre, en étalant la diffusion, on augmente la valeur intrinsèque de l’objet. Ce qui est rare est cher. Ce dont on se goinfre à profusion ne représente plus rien. CQFD.

4 – Spoilers ahead : un des plus gros soucis en diffusant une série d’un seul coup réside dans l’explosion des spoilers sur les réseaux sociaux. Nous devons nous dépêcher d’enfiler dix épisodes en une journée pour ne pas être divulgaché par un tweet intempestif ! Voilà qui abîme sacrément l’expérience utilisateur, le plaisir et « le droit à l’innocence », tout simplement. Si je décide de savourer chaque soir un épisode de The Crown, ça me regarde ! Je dois pouvoir surfer tranquillement sans craindre une révélation en ligne. Maintenant, si on m’avertit que The Crown sera diffusée tous les dimanche soir (ce n’est pas le cas, à l’heure où j’écris ces lignes), je bloquerai dans ma tête un moment pour la voir, en même temps que tout le monde, et pour lire les réactions en ligne, juste après.

Et c’est peut-être ça, le plus ironique de l’histoire : les diffuseurs reviennent quelques années en arrière, sur des moments de diffusion identifiés, séquencés et imposés aux spectateurs, comme la bonne vieille télévision qu’ils ont poussé à ringardiser. Car, finalement, ça avait du bon d’avoir des rendez-vous tous ensemble à la même heure devant le poste / l’écran. Oui, c’est plus convivial. Plus fédérateur. Et ça nous rassure un peu : on aura l’impression/l’illusion d’avoir un peu plus de temps pour soi…

Et vous, alors ? Vous préférez binge-watcher ou dépendre du calendrier des diffuseurs ?

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Published by
William Réjault