Below ou Nede en version originale est une dramédie norvégienne de Viaplay sélectionnée pour la catégorie européenne de la compétition au festival de la fiction de La Rochelle. Créée par Tina Rygh, la série suit Fanny, une jeune trentenaire qui après une soirée trop arrosée perd son meilleur ami dans un accident et elle-même perd l’usage complet de ses jambes pour finir dans un fauteuil roulant. L’histoire commence vraiment à partir de là, Fanny doit emménager avec sa sœur Fam le temps que son appartement soit réaménagé à ses besoins. Le temps de se redécouvrir de faire face au deuil et de se reconstruire différemment avec le regard des autres et surtout son regard, du fauteuil.
Pour le moment, aucune diffusion française n’est prévue.
La créatrice et son actrice principale Maria Austgulen étaient de passage à La Rochelle pour parler de la série.
Aki : Qu’est-ce qui vous a inspiré pour ce projet Tina, et comment vous vous êtes retrouvée dessus Maria ?
Tina : J’ai eu l’idée car j’avais peur d’être autour des gens endeuillés. Et j’avais honte de ce sentiment, très embarrassant. En trouvant cet aspect-là de ma personnalité, je m’en suis servi comme inspiration.
Maria : J’ai rejoint le projet lors du processus d’audition, assez classiquement et j’ai décroché le rôle.
Aki : Si le projet est né autour du deuil, le handicap n’existait pas encore à la création alors ?
Tina : Pas au début. J’ai voulu explorer la situation des gens en situation de crise et leur entourage. L’entourage qui ne sait pas comment réagir, avec tout le malaise.
Aki : Quand est-ce que Fanny a atterri dans un fauteuil ?
Tina : Assez rapidement en développant le personnage. J’ai eu l’image d’une femme qui n’aimait pas être en proie à des émotions négatives, et je cherchais un moyen de l’amener vers des personnages qu’elle n’avait pas forcément envie de voir, et dans le processus artistique, elle est apparue. Puis en Norvège, on n’a pas beaucoup d’histoires de femmes en fauteuil, et c’est devenu une évidence de quelque chose que je voulais raconter.
Aki : La caméra se met à la hauteur du fauteuil d’ailleurs. Maria pour se préparer à ça, vous avez passé beaucoup de temps dans un fauteuil, comment vous vous êtes entraîné ?
Maria : Je me suis préparée avec une coach, une jeune femme de mon âge qui est en fauteuil et qui m’a appris beaucoup. Elle était avec moi en préparation et sur le plateau. Je passais plusieurs heures par jour dans le fauteuil.
Aki : Qu’avez-vous retiré de cette expérience ?
Maria : J’ai réalisé que je ne comprenais pas vraiment la situation. J’ignore comment cela se passe en France, mais en Norvège, on se comporte encore différemment avec les gens en situation de handicap. J’ai beaucoup appris sur moi-même, je n’étais pas aussi tolérante et compréhensive sur ce sujet que ce que je croyais. Que c’est nous en fait, les valides, qui les faisons se sentir différents seulement parce qu’ils paraissent différents que ce soit avec des fauteuils ou autres. On a encore du chemin à faire en Norvège pour l’égalité des droits.
Aki : C’est le cas partout très clairement. C’est vrai que le fauteuil est la première chose qu’on remarque, mais est-ce que c’était la partie la plus difficile à jouer ?
Maria : Ce n’était pas le plus dur effectivement, car c’est juste un aspect physique que je devais maîtriser, comment mouvoir mon corps, bouger le fauteuil… et comme je ne suis pas réellement dans cette situation, je n’interprétais pas vraiment ça. Le plus difficile c’était toute la psychologie et le voyage derrière son deuil, la perte de son meilleur ami.
Aki : Au final, pourquoi avoir choisi un handicap nécessitant un fauteuil roulant ?
Tina : Concrètement le fauteuil représentait une manière d’être coincée pour l’héroïne. Que ce soit physiquement ou mentalement. Je ne dis pas que les gens en fauteuil sont coincés, mais pour mon personnage, ce changement reflétait cette idée. Au début elle se dit que son corps ne fonctionne plus complètement comme avant, et même si le but c’est qu’elle se reconstruise, elle doit d’abord l’accepter. Le fauteuil roulant me semblait être une symbolique.
Aki : Que souhaitez-vous que le public se dise après avoir vu la série ?
Tina : C’est très personnel comme réaction. Mais pour moi, au lieu de faire semblant ou d’ignorer quelqu’un qui traverse une crise, enfin de les éviter, juste de dire bonjour.
Maria : Qu’importe à quel point c’est difficile de parler de ses émotions ou de ton chagrin, on a besoin des autres pour aller de l’avant.
Aki : On a eu accès aux deux premiers épisodes, le personnage de la mère est très intéressant. Pourquoi en avoir fait quelqu’un d’aussi libertine et artistique ?
Tina : Comme Fanny est une personne difficile aux premiers abords, elle est assez centrée sur elle-même, sa sœur aussi vit dans son monde. Ça me semblait naturel qu’elles viennent d’une mère comme elle.
Aki : Fam et Jill sont deux personnages un peu dans l’exagération, à prétendre que tout va bien et à être hyper bienveillantes un peu hypocritement. Est-ce particulièrement norvégien de vouloir arrondir les bords ?
Tina : Oui. Mais c’est partout pareil, je pense. C’est sûr qu’on a plus peur du conflit.
Maria : On est plus timide dans le sens où on ne s’embrouille pas avec les inconnus. Hier, j’étais choquée qu’un serveur me crie dessus et j’ai eu peur ! Je ne m’y attendais pas culturellement. Donc oui, on est sympa avec tout le monde même si on ne le pense pas forcément.
Aki : Les projets de Viaplay sont de plus en plus centrées autour d’héroïnes, on a vu avec Pørni ou encore Made in Oslo où vous faites une apparition Maria. Est-ce qu’il y a des facilités d’accès pour les créatrices de contenu en Norvège ?
Maria : Je pense qu’il y a plus de personnes et des voix prêtes à raconter ces histoires et c’est juste l’évolution naturelle.
Tina : Oui, surtout que comme on manquait de créatrice, ces histoires n’ont jamais été racontées auparavant et elles peuvent enfin exister.
Aki : Merci beaucoup !