Confortées par le succès de The Boys sur Amazon, les plateformes ont désormais la même lubie que le cinéma : adapter des comic-books de super héros à succès en série TV, notamment dans la frange plus mature et adulte du genre. C’est en soi assez logique, car les deux médiums sont très proches dans leur forme et structure narrative, permettant ainsi de développer un univers et des personnages avec un degré de profondeur plus poussé. Jupiter’s Legacy est le dernier projet à date : les comic books de Mark Millar et Frank Quitely devaient avoir le droit à une adaptation au cinéma annoncée en 2015 pour au final devenir une série Netflix par Steven S. DeKnight (Daredevil, Spartacus).
Mais du coup, ça raconte quoi Jupiter’s Legacy ? On y suit la genèse des premiers super-héros de l’Histoire, l’Union, ainsi que de leurs enfants qui devront prendre la relève et donc un lourd héritage sur leurs épaules. À la tête du groupe on retrouve Sheldon (Josh Duhamel) aka Utopia, le superman de la bande et fervent défenseur du Code, un ensemble de règles mis en place en guise de garde-fou éthique pour éviter tout débordement super-humain. La série raconte notamment sa relation avec son fils, Brandon, qui a bien du mal à marcher dans les traces de son père, ainsi qu’avec sa soeur Chloé qui veut à tout prix y échapper.
À l’instar des comics, Jupiter’s Legacy nous présente deux intrigues : l’Union d’aujourd’hui face à une nouvelle menace et l’origin story de tous ses membres qui se sont engagés 80 ans plus tôt dans un périple vers une Île mystérieuse. On passe d’un récit de super-héros contemporain à celui d’une expédition digne d’un conte lovecratien (Mark Millar a voulu ici rendre un hommage à King Kong dans le matériau d’origine). Si cette structure a le potentiel de donner une nouvelle dimension dans la série, elle crée au final une dissonance de tons assez marquée. La série jongle ainsi constamment entre ces deux chronologies, sans que les évènements de l’une aient une résonnance sur l’autre. La prépondérance de cet arc narratif étire donne au récit un rythme franchement décousu. Jupiter’s Legacy ne sait pas quelle série elle veut être et ça se voit.
Dans son arc contemporain, la série nous parle à son tour de la responsabilité des super-héros, de leur marge de manoeuvre dans un monde où leur puissance démesurée est sans égale. Sauf, bien sûr, contre les superméchants qu’ils sont les seuls à pouvoir affronter. Dans le monde de Jupiter’s Legacy, le gouvernement n’a semble-t-il pas de grand intérêt pour les agissements de l’Union et les humains « normaux » semblent être un bruit de fond qu’on voudrait ignorer. Mais sans nous présenter cette cohabitation, pourtant tributaire de ce fameux Code d’éthique de l’Union, on a du mal à saisir les enjeux politiques que la série s’efforce pourtant de nous présenter.
Très vite, on fait le constat que la série arrive malheureusement après la bataille. Et par la bataille on veut bien sûr parler de The Boys, qui a semble-t-il relancé le genre du récit de super-héros plus « adulte » à la télévision. Si Jupiter’s Legacy semble être la réponse de Netflix au carton d’Amazon, elle n’a pas les épaules pour jouer sur son terrain. Plus sage et moins originale, elle a aussi la malchance d’arriver juste après Invincible, qui raconte elle aussi l’histoire d’un fils prenant la relève de son père, le super-héros le plus puissant de la planète. C’est sans doute sur cet aspect que la série Netflix parvient à convaincre, avec le personnage de Chloe qui aura bien d’autres ambitions que celles de suivre aveuglément son héritage.
Mais s’il y a bien un point sur lequel Jupiter’s Legacy pêche grandement face à ses ambitions, c’est sur sa proposition visuelle. Les scènes d’actions sont loin d’être convaincantes et font lorgner la série du côté de la CW. On sent que le passé de Steven S. DeKnight en tant que scénariste de Buffy contre les vampires a encore son influence aujourd’hui. Le showrunner a d’ailleurs quitté la production de la série à mi-parcours à cause de différends créatifs, ce qui n’est généralement pas bon signe.
Vous l’aurez compris, sans avoir aucune attente sur la série, nous n’avons pas spécialement été emballés par Jupiter’s Legacy. Après Watchmen ou The Boys, elle n’arrive pas réellement à se démarquer, et ce n’est pourtant pas faute d’essayer. Cependant, on ne se fait pas de soucis pour elle et prévoyons déjà de vous annoncer dans 28 jours la commande d’une saison 2 par Netflix. L’occasion peut-être pour la série de se réinventer ?