Si vous avez aimé : The Night Of, The Outsider
Selon la formule consacrée, un mariage est prononcé « pour le meilleur et pour le pire ». Mais lorsque ces deux extrêmes se manifestent pendant la cérémonie même, difficile d’en accepter l’engagement. C’est le cas de Natalie (Nadia Tereszkiewicz, déjà remarquée sur Seules les Bêtes de Dominik Moll), une jeune Française expatriée en Israël, qui lors de son mariage et aux yeux de tous sera témoin du meurtre de son mari, égorgé avec un couteau. Témoin… ou coupable ? Tout s’est passé dans le noir, pendant que le couple allait symboliquement couper le gâteau. De mariée à veuve en l’espace d’une journée, elle sera très vite la suspecte principale de l’enquête, menée par un duo policiers locaux, alors que Karim (Reda Kateb), diplomate au consulat de France, va tenter de sonder l’insondable d’une affaire qui va très vite dépasser l’entendement.
Tout comme dans The Night Of ou plus récemment Defending Jacob, Possessions se démarque du thriller dit whodunnit en nous présentant ici une coupable toute trouvée, Natalie. Le personnage de Karim est ici le principal véhicule narratif pour le spectateur : moins suspicieux que les policiers, il cherchera à savoir pourquoi une jeune mariée aurait assassiné son époux. C’est vrai qu’il y a mieux comme preuve d’amour. En faisant sa propre enquête, il lèvera le voile sur un passé trouble qui pourrait donner de premiers indices sur le comportement de la jeune fille. À commencer par sa mère, Rosa (Dominique Valadie), dont les croyances et superstitions ruinent l’unité familiale et surtout sa relation avec son mari, Joël (Tchéky Karyo), dans un quasi-mutisme depuis de nombreuses années. Les membres de son entourages seront autant de pistes pour mieux comprendre ou au contraire questionner l’énigme qu’est Natalie. Chacun a une emprise sur l’autre dans une dynamique malsaine mise au grand jour par cette tragédie nuptiale.
La série dissémine sa dimension fantastique avec retenue, lorgnant même dans le mystique, celui des traditions et des croyances qui dans ces terres semblent se matérialiser. Possessions est fortement ancrée dans son contexte géographique, l’Israël, et dans le contexte géopolitique qui en découle, avec la Palestine, mais aussi la France. Le temps semble suspendu dans cette ville en plein milieu du désert au passé omniprésent. Ces décors donnent à la série une atmosphère parfois onirique, loin de thrillers pluvieux de HBO (qui ont aussi leur charme). Ici la lumière n’éclaire pas, mais aveugle, peut-être à dessein dans cet anti-western crépusculaire. On peut saluer le travail du réalisateur Thomas Vincent (Versailles, Bodyguard) et de son directeur de la photographie israélien Yaron Scharf (Our Boys) pour cette esthétique envoûtante servie par caméra lancinante, usant avec parcimonie de ralentis et d’extrêmes gros plans pour tenter d’investir la psyché de Natalie. Mais c’est aussi cette ambiance sonore, servie par les nappes musicales de HitnRun qui renforce « l’inquiétante étrangeté » grandissante d’une intrigue qui dévoile ses cartes épisode après épisode.
Malgré ces 6 épisodes, Possessions prend son temps pour dérouler son histoire. Si ce rythme d’apparence lent semble traverser la série, c’est en fait pour mieux développer ses thématiques. Celles d’un « conte cruel » pour reprendre les mots de la co-créatrice de la série Valérie Zenatti, qui aborde par son mystère central des sujets aussi intimes que l’équilibre dans le couple et la famille, mais aussi un sujet éminemment actuel comme la misandrie, traité sous le prisme du contexte familial. La série développe de nombreuses pistes, qui ont chacune leur intérêt et culminent avec une fin qui procure du sens à l’ensemble.
Vous l’aurez compris, on est happé dans Possessions qui ne ressemble à aucune autre série française (en fait franco-israélienne). Déjà achetée par HBO Max pour une diffusion outre-Atlantique, elle est la croisée des genres : tantôt drame familial, tantôt thriller ou mystère fantastique, elle s’imprègne de tous ces codes pour raconter sa propre histoire.
Possessions est diffusée sur Canal+ tous les lundis (2 épisodes par soir) et disponible en replay sur myCANAL.