Adaptée du roman de Wally Lamb, « I Know This Much Is True » est un drame familial explorant plusieurs périodes de la vie de deux jumeaux (incarnés par Mark Ruffalo), dont l’un est atteint de troubles mentaux.
Showrunner : Derek Cianfrance (Blue Valentine, The Place Beyond The Pines)
Si vous avez aimé : Sharp Objects
1 saison de 6 épisodes diffusée sur OCS tous les jeudis
(Durée totale de visionnage : 6 heures et 20 minutes)
Pour beaucoup, le drame et la tragédie sont des leviers de réconfort. Des histoires qui permettent de relativiser, de prendre la mesure de sa propre situation. Beaucoup de critiques reprochent à I Know This Much Is True d’être trop morne, trop déprimante pour l’époque dans laquelle nous vivons. La série de Derek Cianfrance, réalisateur de Blue Valentine et The Place Beyond The Pines, est certainement une épreuve, à catégoriser dans les récentes oeuvres misery porn comme The Handmaid’s Tale ou Sharp Objects. Il faut dire qu’elle ne lésine pas dans l’acharnement systématique de ses personnages.
Mark Ruffalo incarne ici deux frères jumeaux, Dominick et Thomas. Quand Thomas développe dans son adolescence des troubles schizophréniques et paranoïaques, son frère se sent investi d’une mission, celle de le protéger, d’être son ange gardien. Même si cela l’amène à sacrifier sa propre vie. Ruffalo livre ici la meilleure performance de sa carrière, non pas pour le simple défi technique d’incarner deux personnages, mais bien pour la nuance qu’il donne à ces deux frères à l’alchimie évidente, mais sur le point d’exploser à tout moment. La série propose d’ailleurs des performances tout aussi impressionnantes, que ce soit celle de Kathryn Hahn (que vous avez pu voir dans Mrs Fletcher récemment, sur OCS), Rosie O’Donnell dans le rôle de l’assistante sociale emphatique ou encore Archie Panjabi qui incarne le Dr Patel, un rôle bien différent de celui qu’elle joue dans la comédie Run.
Ces acteurs brillent dans des scènes de dialogues intenses, parfois très longues, qui privilégient la subtilité des détails à la grandiloquence de leurs propos. Derek Cianfrance choisit systématiquement le très gros plan pour ces moments de confrontation, afin de profiter du moins tic de visage de ses acteurs. Il revient ici à ses origines du cinéma indépendant avec une photographie argentique terne et granuleuse, qui donne une atmosphère désoeuvrée au récit malgré son élégance. Car comme nous le disions au début, I Know This Much Is True n’est pas tendre dans son propos en nous montrant des tragédies en cascade durant ses 6 épisodes. Si cette accumulation peut amener à une certaine compassion fatigue pour reprendre les termes de Sheila O’Malley du site Roger Ebert, elle nous immerge dans une chronique bouleversante racontant la genèse de traumatismes familiaux et leurs conséquences parfois des décennies plus tard. Question dosage, Cianfrance et Ruffalo (qui est aussi producteur de la série), ont poussé les potards au max du drame prestigieux made in HBO. Avec ses défauts, comme des longueurs évidentes pour une série vue comme un film de 6 heures par les deux intéressés.
Si pour beaucoup, l’expérience s’avérera trop douloureuse en cette période incertaine, d’autres pourront trouver leur compte dans l’aspect quasi cathartique de toute cette misère portée à l’écran. Aucun des deux ne sera en tort, mais selon nous il serait dommage de passer à côté de l’une des séries les mieux incarnées de ces dernières années.