Cate Blanchett n’avait joué dans aucune série jusqu’à maintenant, mais cette année, c’est par deux fois qu’on peut la voir sur le petit écran. En Australie sur ABC, dans Stateless et plus globalement dans Mrs. America, la très attendue série de la plateforme FX on Hulu. Elle y incarne une personnalité américaine méconnue chez nous, Phyllis Schlafly, militante conservatrice qui s’est érigée contre le féminisme dans les années 70. Plus précisément, la série raconte son combat pour empêcher la ratification de l’Equal Rights Amendment (ERA), un amendement qui aurait inscrit le concept d’égalité homme-femme dans la constitution américaine.
Même si cela n’en surprendra pas beaucoup, autant le dire d’entrée : Cate Blanchett est magistrale dans son rôle de femme ambitieuse à la cause indéfendable. Le fait de centrer la série sur elle et les arguments antiféministe permet dans une certaine mesure d’humaniser cette cause et non de le diaboliser, sans pour autant lui donner des justifications. Mrs. America est une série politique dans laquelle deux camps s’affrontent sur un sujet qui devrait pourtant les unir et c’est là toute l’ironie de ce récit. À l’origine, Phyllis Schlafly était aussi engagée en politique, mais spécialisée dans la course à l’armement et la défense nationale face à l’URSS en pleine guerre froide. Consciente qu’elle était raillée dans son propre milieu, elle décide alors de s’attaquer à cet amendement féministe afin de légitimer sa place dans une sphère politique composée d’hommes. Face à une cause féministe déjà très organisée, on la verra monter de toute pièce son propre groupe en mettant à profit ses propres talents de persuasion.
Mrs. America veut donc représenter les deux camps en focalisant chaque épisode sur une femme en particulier. Avec Phyllis, la série raconte aussi l’histoire de la journaliste Gloria Steinem (Rose Byrne) et son combat pour le droit à l’avortement, mais aussi celle de Shirley Chisholm (Uzo Aduba de Orange Is The New Black), la première femme afro-américaine candidate à l’investiture présidentielle démocrate. Les dialogues et enjeux seront directement liés au système démocratique américain. Ce côté procédurier peut-être déroutant pour un public non initié, mais fait partie de l’ambition pédagogique voulue par les scénaristes.
Il n’y a donc aucune concession faite sur la représentation de ces enjeux politiques, entremêlés dans les histoires de ces femmes qui ont chacune leur raison de mener leur combat, dans un camp comme dans l’autre. Pas étonnant de voir à l’écriture Dahvi Waller, productrice et scénariste pour Mad Men et Halt and Catch Fire, deux séries qui n’ont elles aussi pas sacrifié l’authenticité au service du divertissement.
Cependant, avec sa réalisation extrêmement soignée, filmée en pellicule avec des plans millimétrés, Mrs. America prend des libertés pour raconter cette histoire et ses personnages de manière dramatique et non documentaire. Cela passe notamment une timidité à représenter la dimension « raciale » du militantisme de Schlafly, pourtant au coeur de son programme. Certaines portes semblent s’ouvrir au fil des épisodes pour se refermer aussi rapidement, laissant l’impression d’opportunités manquées de traiter toutes les facettes du personnage. La critique américaine, élogieuse sur la série, n’a cependant pas manqué de noter cette négligence dans l’écriture.
Mrs. America est une fresque captivante portée par une Cate Blanchett époustouflante en anti-héroïne conservatrice. Si la complexité politique de la série peut en rebuter plus d’un, elle permet de comprendre les enjeux de cette période de l’Histoire qui a encore des répercussions de nos jours, tant la rhétorique utilisée semble encore avoir sa place dans le débat politique actuel.
Les 3 premiers épisodes de Mrs. America sont disponibles sur myCANAL et diffusés sur Canal+ Séries ce jeudi 16 avril au soir. Les épisodes suivants seront diffusés individuellement tous les jeudis.