Depuis son lancement en 2016, Westworld s’est définie par sa relation avec les spectateurs, et particulièrement les fans hardcore. En adoptant la mécanique de la mystery box chère à J. J. Abrams (qui est producteur exécutif), la série n’a fait que jouer avec la capacité de ses fans à déchiffrer le moindre mystère, le moindre puzzle qui leur était soumis. Cette histoire de robots tueurs dans un parc d’attractions allait devenir une telle obsession : la hive mind est en place depuis le début sur reddit avec parfois un coup d’avance sur les scénaristes. Les deux showrunners, Lisa Joy et Jonathan Nolan, s’en sont d’ailleurs amusés en promettant de révéler toute l’intrigue de la saison 2 dans une vidéo qui se révélera être un rick roll joué par les acteurs du film
Mais après cette deuxième saison franchement chaotique, qui abusera de ses allers-retours temporels et intrigues parallèles, la suite de Westworld s’annonçait comme un renouveau à la vue de sa première bande-annonce. On quitte le parc pour un Los Angeles futuriste avec de nouvelles têtes (Aaron Paul et Vincent Cassel), ainsi que des enjeux dramatiques à plus grande échelle. Bref, un soft reboot avec une histoire plus linéaire des dires de ses showrunners. À la vue des quatre premiers épisodes disponibles pour la presse, on peut dire que le contrat est rempli… en partie.
C’est dans un Los Angeles futuriste que nous nous trouvons, avec une Dolores plus que jamais décidée à exterminer la race humaine, rien que ça. Elle croisera le chemin de Caleb (Aaron Paul), un vétéran qui tente de remonter la pente dans un monde qu’il le reconnait plus. C’est donc un vent d’air voir de voir celui qui incarnait Jesse Pinkman dans un rôle à sa mesure, torturé par son passé et en confrontation avec la société qui essaie de le réhabiliter. C’est lui qui sera notre porte d’entrée vers le monde en dehors des parcs d’attractions de Delos, qui semble avoir adopté les mêmes mécaniques qu’un jeu open world : pensez Deliveroo, mais pour les mercenaires.
C’est surtout dans ce Los Angeles criblé d’algorithmes et d’intelligences artificielles que la série se développe dans la continuité de ses précédentes saisons : le monde réel ne serait-il pas devenu un Westworld à grande échelle, dans toute son imposture ? C’est décidément la grande thématique de cette saison : la technologie devient notre seul médiateur avec le réel au sein dans laquelle il devient difficile de trouver ses marques. C’est ce qu’illustre une scène dans laquelle Caleb reçoit l’appel d’une entreprise lui annonçant le refus de sa candidature, avant de se rendre compte qu’il parle à une IA. Le réalisateur et scénariste Andrew Niccol l’avait très bien résumé : « Notre capacité à créer du faux a dépassé notre capacité à le détecter. »
Cela fait plaisir de voir la série s’aventurer sur ce terrain de manière cohérente. Malheureusement, cela passe par des monologues ampoulés, les personnages devenant les passe-plats du commentaire social et philosophique de l’équipe de scénaristes. Ils ne semblent parler que pour délivrer des informations sur l’intrigue ainsi que l’interprétation à en retirer, enlevant au spectateur le plaisir de travailler un minimum pour en saisir le sous-texte. C’est le cas du personnage de Serac, joué par Vincent Cassel, qui semble tout droit sorti de Fondation, l’œuvre de science-fiction culte de Isaac Asimov. (dont Jonathan Nolan devait diriger l’adaptation en série pour HBO avant qu’elle passe sur Apple TV+). Un ajout qui a le mérite d’ouvrir l’intrigue vers d’autres horizons et qui, espérons-le, tiendra ses promesses.
Westworld a de l’envie, ou plutôt de l’ambition, ce n’est une nouvelle pour personne. L’ambition d’être une autre série en cette saison 3 tout en gardant ce qui a fait son succès. Mais si elle gagne en clarté, la série ne fait toujours pas dans la subtilité. Notamment avec un côté action plus prégnant que dans les précédentes saisons, une direction pour laquelle elle n’a jamais vraiment brillé.
Ce n’est donc pas parce que Westworld est plus compréhensible qu’elle est une bien meilleure série qu’avant. Mais elle nous intrigue par les nouvelles pistes qu’elle propose dans ce nouvel échiquier, en reflétant cette fois l’angoisse ultime de l’humanité d’avoir créé les conditions de sa propre extermination. Un sujet on ne peut plus actuel.
Note : ★★★☆☆